La fille derrière le sourire

Hier soir, j’ai refermé un livre. Et quelque chose s’est ouvert en moi. Un livre qui m’a touchée bien plus qu’aucun autre auparavant.
Dès les premières pages, j’ai su que plus rien ne serait pareil. C’est fort, peut-être exagéré, mais c’est ce que j’ai ressenti.
Je me suis reconnue dans les personnages de la mère et de la fille, de Diane et de Lou, dans leurs peurs, leur détresse, leurs besoins, leurs failles. Mais également dans leur capacité à ressentir le monde, dans leurs forces et dans leurs merveilles. J’ai lu ce livre de Virginie Grimaldi, Les heures fragiles, en étant bouleversée du début à la fin. Je ne l’ai pas simplement lu, je l’ai vécu…
Et hier soir, lorsque j’ai tourné la dernière page, j’ai eu besoin d’écrire, moi aussi.
Je ne raconte pas une fiction, je raconte mon histoire, un petit bout de moi, une partie que souvent je tais, parce qu’elle fait mal, parce qu’elle est intime et parce qu’elle me fait peur, aujourd’hui encore.
Mais tout comme le roman de Virginie Grimaldi m’a fait un bien fou, je pense que partager mon histoire peut également faire du bien à quelqu’un, et même si une seule jeune fille, une seule adolescente meurtrie, se reconnaît dans mon vécu et se sent moins seule grâce à mes lignes, cela aura valu la peine de le partager.
Alors voilà, ici, ce que j’aimerais dire à cette adolescente brisée qui a su traverser cette période si difficile, malgré les difficultés rencontrées.
A toi, l’adolescente que j’étais, toi cette jeune fille meurtrie derrière son sourire,
J’ai longtemps hésité avant de t’écrire.
Pas parce que je t’ai oubliée. Au contraire. Tu es restée là, tapie dans un coin de mon cœur, les poings serrés et les yeux trop souvent baissés.
Tu avais 16 ans. Tu cherchais ton reflet dans des coupes de cheveux trop courtes, des couleurs trop vives, des regards trop flous. Tu voulais qu’on te voie, mais pas trop. Tu voulais disparaître, mais pas tout à fait.
Tu souriais, même quand tout s’écroulait. Tu plaisantais, même quand tu avais envie de hurler.
Tu as grandi trop vite. Tu as appris à disparaître en pleine lumière. Tu étais une funambule sur le fil du silence.
Et tu pensais que tu étais seule. Que personne ne pourrait comprendre ce trop-plein d’émotions, cette douleur sourde que tu ne savais pas nommer.
Tu as cru que tu étais “trop” : trop sensible, trop fragile, trop intense.
Tu as même pensé que tu n’étais pas faite pour ce monde.
Tu marchais pieds nus pour sentir que la terre te reconnaissait encore, même quand toi tu ne te reconnaissais plus. Tu lisais, tu écrivais, tu fumais pour t’échapper. Pour t’endormir. Pour ne plus penser.
Et puis il y avait les nuits. Ces nuits où tu n’osais pas fermer les yeux.
Les souvenirs, les cris, la peur. Et Aguierra, cette voix venimeuse dans ta tête qui te disait que tu étais un poids, un trop-plein, une erreur.
Elle mentait. Mais tu l’écoutais. Parce que tu étais fatiguée. Et seule.
Tu as connu l’enfermement, les murs blancs, les barreaux aux fenêtres. Tu as vu les autres tomber. Tu as regardé les étoiles avec une fille qui rêvait d’extra-terrestres. Parce que ses rêves valaient toujours mieux que les cauchemars dans ta tête.
Tu as rencontré une maman trop épuisée pour sourire encore, et une dame un peu folle qui criait sur le monde comme on crie sur une douleur trop ancienne.
Tu as vu la souffrance dans tous les visages, et pourtant tu n’as jamais fermé ton cœur.
Puis tu es sortie. Et tu espérais.
Tu espérais retrouver l’amour, le réconfort, le simple fait d’exister pour quelqu’un.
Mais même ça, on te l’a enlevé. Il est parti. Et toi, tu as craqué.
Tu as tenté de disparaître, cette fois pour de vrai, avec le désespoir d’une enfant qu’on a trop laissée tomber.
Tu ne voulais pas mourir. Tu voulais que la douleur meure.
Et pourtant…
Tu es revenue.
Tu as entendu, peut-être sans le savoir, les larmes de ta mère, les mains de ta sœur. Leur amour plus fort que le vide.
Et tu es revenue.
Ce jour-là, tu as choisi.
Pas de guérir tout de suite. Pas d’oublier. Mais de vivre.
De faire face. D’affronter.
Et aujourd’hui, moi, la femme que tu es devenue, je te regarde avec une infinie tendresse.
Tu ne savais pas que tu étais forte.
Tu l’étais déjà.
Tu croyais être seule. Tu ne l’étais pas.
Tu croyais ne pas compter. Tu comptais plus que tu ne l’imaginais.
Tu as survécu à l’impensable. Et tu as continué à aimer.
Tu es devenue une femme, une mère, une âme immense.
Et je suis là pour toi.
Pour te rappeler que tu as le droit de respirer.
Que tu n’as plus rien à prouver.
Que tu as gagné.
Je t’aime pour chaque larme, chaque silence, chaque pas.
Tu es une lumière qu’on n’éteint pas.
Si je t’écris aujourd’hui, ce n’est pas pour réparer ce qui a été brisé.
C’est pour te dire que tu n’étais pas responsable.
Que tu avais le droit de craquer, de pleurer, de ne pas être parfaite.
C’est pour te dire merci.
Merci d’avoir tenu. Merci d’avoir gardé en toi cette petite étincelle.
Merci d’avoir rêvé, malgré tout.
Je te promets que tu as le droit de respirer. De te reposer. D’aimer sans avoir peur.
Et que maintenant, je suis là pour toi.
Avec tout l’amour du monde,
Moi, toi, nous.
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