Ça fait des années que j’entends : avec tout ce que tu as vécu tu devrais écrire un livre !

 

J’avoue qu’à 35 ans j’avais déjà trois mariages, deux divorces, trois enfants et 23 déménagements à mon actif…

 

Alors dans l’idée j’ai toujours été pour le partage des expériences, surtout qu’avec le lot de mauvaises décisions que j’ai prises, je pense en effet que mon parcours pourrait en aider plus d’un !

 

Mais le problème c’est par où commencer ?

 

C’est bien joli d’avoir du contenu, des anecdotes et tout ça, mais comment on en fait une histoire ? C’est là qu’il faudrait prendre des cours, faire des années sur les bancs d’école… Mais pour ceux qui ne me connaissent pas, rester assise à écouter quelqu’un parler, aussi intéressant que ce qu’il dit puisse être, n’a jamais été mon truc.

 

Non que je n’aie pas les capacités ! Au grand damne de ma maman et comme elle adore le raconter, j’aurais pu devenir astronaute, médecin, ou ce que je voulais… mais pour cela il aurait fallu tenir en place, suivre les règles… mais mon âme de rebelle ne se laissait guère dompter !

 

Donc par où commencer ? Le début tout simplement ?

 

Petite fille de la montagne, je suis un peu la heidi des temps modernes, née dans un petit village, j’ai grandi au milieu des vaches que mon grand-père élevait avec amour. Mon grand-papa était l’homme de ma vie, il m’a appris le respect, l’amour du travail bien fait, l’amour des animaux et tant d’autres choses. Ma maman et lui sont mes deux modèles, des personnes généreuses, droites et remplies d’un amour inconditionnel.

 

Tout pour être heureuse me direz-vous ! Loin s’en faut, les apparences sont souvent trompeuses. Mais là c’est une autre histoire.

 

Donc erreur, pas le bon départ.

 

Et si je démarrais par mon amour de l’aventure ? Celui qui m’a fait quitter la maison à 16 ans, non que la vie à la maison n’était pas belle, ma maman, ma soeur et moi formions un trio incroyable, nous vivions comme des sœurs, des meilleures amies, c’était le paradis ! 

 

Mais ce besoin de liberté qui m’habitait depuis petite, ce besoin d’indépendance qui brûlait en moi a été plus fort. Ma maman, toujours si avenante et compréhensive, a non seulement accepté ma décision mais m’a également aidée à trouver un appartement, à emménager… 

 

Cet amour de l’aventure qui m’a poussée à partir, au pied levé, en vacances à Barcelone à la place de mon ami qui a eu un empêchement. 

 

Du haut de mes dix-huit ans, je rencontrai alors celui qui allait être mon premier amour. Non pas le tout premier, celui là il s’appelle Raphaël et il restera toujours celui qui a brisé mon petit cœur pour la première fois et qui m’a fait ressentir des sentiments aussi intenses que dévastateurs. 

 

Ah oui, une petite parenthèse, encore pour ceux qui ne me connaissent pas (car les autres le savent depuis longtemps), les hommes et moi c’est quelque chose ! L’amour a toujours guidé mes pas. J’ai grandi en rêvant du prince charmant sur son cheval blanc et je n’ai jamais cessé d’y croire ! 

 

Donc me voilà, au milieu de cette ville si magnifique, plantée devant ce jeune homme à la guitare qui chante No woman no cry. Autant vous dire qu’avec le recul je sais aujourd’hui que la chanson n’était pas le fruit du hasard. Il m’avait certainement repérée, avec mes dreadlocks roses, ma robe d’hippie et mes pieds nus…

 

Je le regarde, ses yeux verts émeraude transpercent mon coeur et je sais déjà que je pourrais le suivre n’importe où. Ce que je fis évidemment ! 

 

Si vous ne l’avez pas déjà fait, c’est maintenant que vous allez réaliser la grandeur de ma bêtise et la capacité à prendre de mauvaises décisions qui m’habite !

 

Ce garçon, qui mendie pour vivre dans les rues de Barcelone, sans papier, argentin qui vit en colocation dans une chambre qui ressemble plus à placard qu’à une pièce, deviendra mon mari moins d’une année plus tard… et oui ! Je vous avais prévenus !

 

J’avoue que tous mes proches ont tenté de me faire entendre raison. Toutefois, la tête dure que je suis les a simplement avertis que celui ou celle qui n’accepterait pas ma décision serait simplement écarté de ma vie… 

 

Et oui, c’est à ce point !

 

Je criais haut et fort que je préférais regretter une mauvaise décision que de rester dans le doute de “et si je l’avais fait”... 

 

Du coup plus de doute, j’ai vu, j’ai vécu et je n’ai pas vaincu! Mes proches avaient raison, évidemment me direz-vous, et je me suis pris une claque monumentale, le prince se transformant en odieux fantassin. 

 

Il m’aura tout de même fallu quelques années pour admettre mon erreur et baisser les bras. Une autre de mes qualités est l’obstination, enfin c’est également un de mes grands défauts. Mais baisser les bras quand j’ai pris une décision avant d’être certaine qu’il n’y a plus d’espoir ne fait pas partie de ma vision des choses. Je peux encaisser beaucoup de déceptions et de coups avant d’abdiquer. 

 

Mais devant l’évidence je finis par m’avouer vaincue et rentrais penaude en Valais. Cette aventure m’avait emmenée à Genève où à défaut de fonder une famille, rêve ultime et objectif de ma vie, j’avais appris l’espagnol et l’anglais, j’avais étoffé mon curriculum vitae à force de travailler pour payer les beuveries de mon fêtard de mari que je cherchais parfois en appelant hôpitaux et postes de police… 

 

Quelle vie me direz-vous ! Et je n’avais que 20 ans et surtout je ne vous en ai raconté qu’une infime partie…

 

C’est ainsi que, de soirées en soirées, je finis par rencontrer, sur les bords d’un terrain de street hockey, celui qui deviendra mon troisième mari. Non, vous n’avez pas loupé de pages, vous comprendrez plus tard !

 

Je m’entichais donc de Thierry, fêtard invétéré également, sportif passionné, complètement dépourvu de temps à me consacrer et aucune envie de stabilité.

 

Deux ans plus tard, enfin divorcée (du premier mari) et en quête de bonheur, je décidai de fonder ma famille, seule ou à deux, plus rien n’avait d’importance à part être devenir maman !

 

Déjà, lors de mon premier rendez-vous chez ma gynécologue, du haut de mes quatorze ans, je lui demandais de but en blanc  si elle pouvait me faire un test de fécondité. Autant vous dire qu’elle a bien ri. Mais j’étais sérieuse. Si je ne pouvais pas avoir d’enfant, la vie ne valait pas la peine d’être vécue. 

 

Beaucoup d’années de psychanalyse m’ont fait réaliser que si pour moi le seul et unique but dans la vie était de devenir maman, c’était simplement une preuve d’amour envers ma maman. Elle a été et est toujours une maman si incroyable que je ne voyais rien de plus merveilleux que ce rôle. 

 

Evidemment, ça c’était avant. Avant de devenir maman et de réaliser que oui, être mère est le plus beau rôle du monde, mais également le plus difficile ! Ensuite je suis devenue maman et j’ai compris.

 

Quoi que, au début je faisais partie de ces mamans chanceuses, celles à qui l’on dit: ton bébé est si facile, attention tu vas prendre cher avec le deuxième ! Et BIM, la deuxième est arrivée et elle était encore plus facile et sage que le premier ! J’étais enfin maman, mes deux trésors dormaient bien, mangeaient de tout, obéissaient, ne se chamaillaient pas. J’étais de celles qui jugeaient en montrant les autres du doigt celles qui ne faisaient pas façon de leur bébé, celles qui pleuraient et criaient, celles dont les bébés dormaient dans leur lit, celles dont les enfants se roulaient en boule en hurlant au milieu du magasin. 

 

Avant d’être maman je ne me permettais pas de juger, je me disais qu’il valait mieux ne rien dire car je ne pouvais pas savoir. Mais le jour où j’ai eu deux enfants sages et irréprochables je me suis dit : c’est facile en fait, celles qui n’y parviennent pas sont nulles ! Et je me suis mise à juger, à donner des leçons, à devenir cette maman parfaite qu’on déteste ! 

 

Et voilà que je décide de renouveler l’expérience et d’avoir un troisième bébé. Ethane et Lola étaient déjà presque grands, ils eurent une petite sœur à 7 et 5 ans. C’est ainsi que je compris. Et surtout que j’arrêtai de juger (mais ici encore c'est une autre histoire). 

 

Je me suis perdue en route. Donc j’ai rencontré l’homme de ma vie trop tôt. Nous étions jeunes, surtout lui, je ne désirais que me marier et fonder une famille et lui faire la fête avec ses copains. Ce qui devait arriver arriva et notre couple éclata. 

 

Comme un homme en général - pardon pour les autres - se laisse porter dans la relation et surtout lorsque plus rien ne va, se laisse porter dans la rupture, je devins la méchante et m’en allai. 

 

C’est ainsi que je fis la connaissance d’un autre jeune homme, encore plus jeune que Thierry, mais qui tomba follement amoureux de moi et me promit monts et merveilles. 

 

Mon petit cœur de petite fille rêveuse tomba sous le charme de celui qui ressemblait en tous points au prince charmant !

 

Il était beau, gentil, intelligent et surtout complètement fou de moi. A ses yeux, j’étais la plus belle, comme Cendrillon le soir du bal. C’est ainsi que du haut de ses 19 ans il devint mon deuxième mari et le papa d’Ethane et Lola. 

 

Ce ne fût peut-être pas la plus belle histoire d’amour, mais de l’amour nous en avions à revendre. Vous savez ces amoureux transis qui s’embrassent partout sans aucun respect pour les autres, qui se murmurent des mots d’amour à toute heure ? Et bien nous ressemblions à ça. J’avoue que le bonheur parfait et le conte de fée n’a pas duré bien longtemps. 

 

Le problème avec l’amoureux fou c’est qu’il a peur de perdre sa belle. Et autant j’avais de l’expérience, sept ans de plus que lui, de la maturité, une vie déjà bien remplie et bien vécue, je savais ce que je voulais et connaissais parfaitement mes objectifs, autant lui était un jeune homme tombé dans la peau d’un adulte. Il est parti de chez maman qui ramassait ses chaussettes sales sous son lit pour devenir papa et mari. 

 

Du coup l’amoureux transis s’est transformé en monstre de jalousie, possessif et parano. A trop m’aimer il m’a fait fuir et je me suis enfuie, mes deux enfants sous le bras, le laissant pantois, papa, divorcé, à même pas 25 ans. 

 

Vous me direz : mais quelle garce ! Et vous avez bien raison. Je voulais devenir maman et peu m’importait avec qui ou comment. Lorsque mon horloge biologique a sonné le coup de mon vingt-cinquième anniversaire, tout s’est affolé en moi, j’étais prête à faire un bébé toute seule.

 

Je ne dis pas que je n’ai pas aimé le papa de mes enfants, loin de là. Il était merveilleux, il me rendait heureuse. Il sera à jamais celui qui a fait de moi une maman et que j’ai aimé sincèrement. 

 

Mais il n’était pas l’homme de ma vie. Et il l’a toujours su. 

 

Un soir mon téléphone sonna. Je me rappelle exactement de chaque seconde. Je descendais les marches de mon immeuble, j’avais la main sur la poignée de la porte et je répondis en même temps. C’était ma maman. Je me rendais à une soirée filles chez une copine. Et là elle m’annonça que Thierry avait eu un grave accident de voiture et qu’elle ne savait pas dans quel état il était. 

 

5 ans. 

 

5 ans sans se parler, 5 ans qu’il me détestait et m’évitait. J’allais parfois boire des verres dans le bistrot où il travaillait et je pouvais attendre devant lui au bar, j’étais transparente, il ne me regardait même pas. J’essayais de le croiser dans les couloirs mais pareil, je n’existais pas. 

 

5 ans.

 

Et mon cœur s’arrêta net. Je restai figée dans l’ouverture de la porte, une main sur la poignée, l’autre tenant mon téléphone. Le monde avait cessé de tourner.

 

J’ai appelé sa sœur et elle m’a annoncé qu’il était en vie. Mon cœur se remit à battre et le sang circula à nouveau dans mon corps. 

 

C’est ainsi que je compris ce que j’avais certainement toujours su. C’était lui, ça avait toujours été lui. 

 

Alors là, autant vous dire que si moi j’avais compris, ce n’était clairement pas son cas ! Vous me direz : bien fait ! C’est le karma ! Et encore une fois, vous avez bien raison !

 

Mais bon, c’est pas comme si ce léger souci allait m’empêcher de regagner son cœur !

 

J’ai mis 5 ans à m’en rendre compte, il aura fallu qu’il passe à deux doigts de la mort pour que mon cerveau écoute mon cœur, je n’allais pas le laisser m’ignorer parce que je l’avais blessé 5 ans plus tôt ! 

 

Je pris mon mal en patience et lui écrivis tous les jours, sans réponse évidemment, je tentais de l’appeler, sans réponse non plus. Je tentai de passer le voir, sans succès toujours. Mais à force, et surtout sur les bons conseils de ses amies et collègues, il finit par accepter de m’écouter. 

 

Autant vous dire que ce ne fût pas de gaîté de cœur et qu’il n’y est pas allé en douceur ! 

 

Je lui expliquais avoir compris, que malgré le temps séparés mon cœur battait encore pour lui. Je l’écoutai me blâmer de tous les torts que j’acceptai évidemment, je répondis à toutes les questions qu’il avait et c’est ainsi qu’après quelques heures nous débutâmes le long chemin qui nous mène à aujourd’hui, dix ans plus tard, heureux et amoureux, avec notre belle famille recomposée.

 

A tous les hommes de ma vie, à ceux que j’ai aimés, à ceux que j’ai blessés, à ceux qui m’ont blessée et surtout à toi mon amour…