A toi que je n'ai jamais rencontré

 

Il y a des choses que l'on ne peut comprendre que lorsqu'on les vit. Il y a des souffrances que l'on ne peut imaginer.

Je ne dis pas que je n'avais jamais autant souffert que lorsque tu es parti mon bébé, c'est juste que cette douleur que j'ai ressentie au moment où mon coeur s'est brisé, où tous les rêves et projets que j'avais - que nous avions - faits pour toi se sont écroulés, cette douleur non je ne l'avais jamais ressentie. 

C'est un sentiment sans mot pour le décrire, une perte de quelqu'un qui n'a jamais existé (physiquement sur terre), un manque de quelqu'un que nous n'avons jamais rencontré, touché, embrassé... (physiquement encore)

Je n'ai pas l'impression de l'avoir trop mal vécu en réalité. Mon coeur s'est brisé, j'ai pleuré, je n'ai pas accepté mais je me suis relevée, j'ai continué. Vous me direz qu'il est plus simple de se relever lorsqu'on a déjà trois enfants en bonne santé devant. Et vous avez raison! Ils ont été mes béquilles, mon oxygène, la seule raison qui m'a permis de ne pas m'effondrer. 

Mais eux aussi ils ont souffert... et leur souffrance me tue. Quand je vois ma grande fille de 10 ans boire son cacao dans la tasse que nous lui avons offert, vous savez cette tasse toute noire qui lorsqu'elle contient un liquide chaud laisse apparaître une image ou une phrase et qui lui annonçait qu'elle allait encore être grande soeur... Quand j'entends ma petite fille de 5 ans me dire : Elle a trop de chance ma copine d'avoir eu un petit frère, moi aussi j'aurais tellement voulu être une grande soeur... Mon coeur se brise à nouveau... 

Alors oui, je n'ai pas l'impression d'avoir trop mal vécu cette nouvelle épreuve que la vie a mis sur nos chemins... mais j'ai également l'impression que je n'ai pas fini de la vivre... que cette douleur vivra éternellement dans mon coeur. 

C'est un peu ce qui continue à te faire vivre petit bébé, cette douleur dans mon coeur qui renferme tout l'amour que j'avais déjà pour toi. 

Il y a quelques temps, j'avais encore l'espoir complètement fou que je puisse être enceinte - non pas d'une nouvelle grossesse, mais de ce petit bébé que j'ai perdu. Voyez-vous je m'étais fait ce scénario complètement dingue que lorsque j'étais enceinte je l'étais de jumeaux, sans qu'aucun des quatres gynécologues qui m'ont auscultée ne l'ait remarqué et que lorsque j'ai perdu mon bébé un seul s'en était allé, laissant son frère ou sa soeur dans mon utérus, caché. Qu'il avait échappé aux nombreux contrôles que j'ai dû subir ensuite... et que cette grossesse ait évolué comme un déni de grossesse, sans prise de poids et avec les règles qui continuent... 

Oui je sais, cela s'appelle vivre dans le déni... 

Pendant toute la durée de ma "grossesse" et jusqu'à la date de mon "accouchement", bien que je sache pertinemment que ce scénario n'était pas plausible, une toute partie de moi y croyait fermement. 

Je pensais que ce 18 mars, si je n'accouchais pas - et je n'ai pas accouché - je m'écroulerais, je m'effondrerais. 

Et bien non. La date fatidique est passée. C'était également l'anniversaire de mon mari, le concours de math de mon fils et une belle journée passée en famille... 

Aujourd'hui je sais que tu ne viendras pas...  

Tu me manques petit ange, toi qui aurait dû naître le même jour que ton papa, toi que j'aimais déjà tellement... Tu me manqueras toujours et jamais je ne t'oublierai, mais aujourd'hui il est temps d'avancer, sans toi. 

Je t'aime mon enfant